Étude scientifique : faisabilité de la combinaison de l’informatique spatiale et de l’intelligence artificielle dans les cas d’anxiété et de dépression
La maladie mentale et les troubles psychiques concernent près de ⅕ de la population, dont 13 millions de Français d’après les données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dans un contexte où les troubles de santé mentale se multiplient et où l’accès aux soins se complexifie, les nouvelles technologies offrent des perspectives inédites pour répondre aux besoins croissants des patients. Comment ces outils numériques peuvent-ils proposer un accompagnement thérapeutique personnalisé ? Une recherche développée par le centre médical Cedars-Sinai nous éclaire sur les potentialités d’une alliance entre la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle. Les citations de cet article sont extraites des références citées dans l’étude menée par Spiegel, B.M.R., Liran, O., Clark, A. et al. Feasibility of combining spatial computing and AI for mental health support in anxiety and depression.
Le contexte de l’étude : enjeux et innovations en santé mentale
Un besoin croissant de soins psychothérapeutiques
Au fil des années, la prévalence des troubles de santé mentale, tels que l’anxiété et la dépression, n’a cessé d’augmenter. La pandémie de COVID-19 a accentué cette tendance en imposant un isolement social, en générant une instabilité économique et en renforçant le sentiment de solitude.
Selon le baromètre santé 2021 de Santé publique France, la prévalence des épisodes dépressifs a connu une accélération sans précédent entre 2017 et 2021, passant de 9,8 % à 13,3 %. Pour suivre l’évolution de ces comportements, Santé publique France a organisé en décembre 2022 une enquête CoviPrev. Les résultats restent alarmants avec un tiers des interrogés présentant un état anxieux ou dépressif.
Dans ce contexte, le besoin d’un accès élargi aux soins psychothérapeutiques se fait particulièrement ressentir. Cependant, de nombreux obstacles persistent :
- nombre insuffisant de professionnels ;
- coûts de consultation souvent élevés ;
- stigmatisation associée à la recherche d’aide psychologique.
Cette situation crée une urgence d’innovation pour rendre les thérapies plus accessibles et adaptées aux besoins de chacun.
Le défi de la personnalisation des expériences de réalité virtuelle (VR)
La réalité virtuelle offre une manière innovante d’aborder la thérapie en créant des environnements immersifs qui apaisent l’esprit et facilitent la réflexion personnelle. Les freins habituels diminuent en raison de l’aspect ludique du dispositif.
Pourtant, la personnalisation reste un véritable défi : les expériences VR traditionnelles reposent généralement sur des scénarios préenregistrés, limitant ainsi leur capacité à s’adapter aux parcours et attentes individuels.
L’intégration de l’intelligence artificielle ouvre la voie à des expériences interactives et personnalisables en temps réel. Dans cette optique, le programme XAIA combine VR et IA pour offrir un accompagnement psychologique sur mesure. L’étude se questionne sur l’efficacité d’une alliance thérapeutique par le biais d’un avatar virtuel pour réduire les différents problèmes biopsychosociaux.
La méthode de l’étude : une plateforme qui associe VR et IA pour le soutien psychologique
Le programme XAIA (eXtended-reality Artificial Intelligence Assistant) est une innovation développée par l’équipe du Cedars-Sinai. Ce système associe la puissance de la réalité virtuelle à la faculté d’apprentissage d’une intelligence artificielle basée sur GPT-4, afin de créer une expérience thérapeutique immersive et interactive. Le développement du système a impliqué des tests itératifs avec des thérapeutes jouant des scénarios cliniques pour affiner la communication.
Dès le lancement, l’utilisateur choisit parmi neuf environnements inspirés de la nature (forêts, plages, paysages célestes, etc.). Cette atmosphère instaure un cadre relaxant propice à l’introspection. Un avatar thérapeutique nommé XAIA, conçu pour initier et guider la session de soutien psychologique, accueille ensuite l’utilisateur.
L’interaction se déroule grâce à une technologie sophistiquée : l’audio est converti en texte par des systèmes de reconnaissance vocale, analysé par GPT-4 qui génère des réponses adaptées, puis retransmis sous forme vocale via un système de text-to-speech. Les conversations sont traitées via un serveur conforme aux normes HIPAA (Health Insurance Portability and Accountability Act).
Un filtre de sécurité (Appropriateness Classifier) veille à ce que les réponses restent conformes aux standards thérapeutiques et sécuritaires. Cette chaîne de traitement simule une conversation empathique et personnalisée, intégrant des techniques éprouvées de thérapie cognitivo-comportementale (TCC).
Les résultats : des perspectives prometteuses pour l’acceptabilité et la sécurité
Les chercheurs ont testé XAIA auprès de 14 participants présentant une anxiété ou une dépression légère à modérée. Les entretiens ont révélé que la plupart d’entre eux ont considéré l’expérience comme utile, sécuritaire et apaisante.
XAIA a su appliquer des techniques psychothérapeutiques clés, comme l’écoute empathique, la validation des sentiments et la réaffirmation. Par exemple, face à un utilisateur exprimant son sentiment de rejet, XAIA répondait :
« Je suis désolé d’apprendre que vous vous êtes senti rejeté de manière aussi définitive, surtout en poursuivant ce qui est important pour vous. Cela a dû être une expérience difficile. »
Les participants ont également éprouvé un sentiment de relaxation grâce aux paysages immersifs et aux sons apaisants de la VR. Certains ont mentionné préférer interagir avec une IA non jugeante, en particulier ceux qui étaient réticents à consulter un thérapeute dans un contexte classique.
L’association de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle représente une avancée significative dans la quête de solutions innovantes pour le soutien psychologique. XAIA ouvre la voie à une thérapie numérique qui pourrait élargir l’accès aux soins, notamment pour les personnes isolées ou celles vivant dans des zones où l’accès à des professionnels qualifiés est limité.
Les limites identifiées dans l’approche thérapeutique de la réalité virtuelle avec l’intelligence artificielle
Malgré des résultats prometteurs, l’étude a également mis en évidence certaines limites. Dans certains cas, XAIA posait un trop grand nombre de questions, voire des questions répétitives, donnant l’impression d’une interaction superficielle. Par exemple, lorsqu’un utilisateur évoquait une perte d’emploi, l’accent était mis sur des stratégies d’adaptation immédiates, au détriment d’une exploration plus approfondie des émotions sous-jacentes.
De plus, certaines techniques de TCC, comme la restructuration cognitive ou les exercices de pleine conscience, étaient parfois introduites sans contexte suffisant, au risque de déstabiliser les utilisateurs peu familiers de ces approches.
Enfin, malgré la sophistication technologique, plusieurs participants ont exprimé leur préférence pour une interaction humaine, soulignant l’importance d’un échange direct pour établir une véritable connexion émotionnelle et un suivi personnalisé.
Les chercheurs envisagent plusieurs pistes d’amélioration pour renforcer l’efficacité de leur approche :
- enrichissement des environnements virtuels avec des éléments dynamiques (lumière, mouvement de l’eau, etc.) ;
- personnalisation accrue des interactions en fonction des besoins spécifiques des utilisateurs ;
- intégration de fonctionnalités avancées telles que la possibilité de choisir différentes options de voix ou de régler la durée des sessions.
Des études longitudinales seront essentielles pour mesurer l’impact clinique de ces innovations sur la réduction des symptômes d’anxiété et de dépression.
Est-ce possible d’intégrer la VR en accompagnement thérapeutique ? Pour le savoir, nous avons interviewé le cabinet de coaching en développement personnel et professionnel Agissons Ensemble sur leur utilisation du dispositif Healthy Mind.
Dispositif Neuromind : une solution de neurofeedback innovante basée sur la mesure émotionnelle
Depuis plusieurs années, l’équipe de recherche de Healthy Mind travaille sur un produit capable d’accompagner les patients atteints de pathologies chroniques telles que la dépression. Le dispositif Neuromind associe ainsi l’encéphalographie (ECG), l’électrocardiographie (ECG) et le suivi oculaire (eye tracking) avec l’immersion en réalité virtuelle. Grâce à un casque intégrant des électrodes EEG, l’activité cérébrale est mesurée afin de saisir les schémas cognitifs à l’œuvre.
Les algorithmes que nous avons développés détectent et classifient les données en fonction de deux biomarqueurs propriétaires de l’attention et de l’émotion. Au-delà de cette interprétation de l’état émotionnel, Neuromind cohabite avec le casque de réalité virtuelle pour évaluer ce que l’environnement 3D procure à l’utilisateur. Après avoir défini un état cible, la relaxation par exemple, les immersions évoluent jusqu’à que l’utilisateur y parvienne.
L’étude qualitative sur le programme XAIA illustre la capacité des nouvelles technologies pour répondre aux défis de la santé mentale. Si l’interaction humaine reste valorisée pour de nombreux patients en quête d’empathie, l’intelligence artificielle propose une alternative utile et accessible dans un contexte où la demande de soutien psychologique ne cesse d’augmenter. En ce sens, la réalité virtuelle basée sur le neurofeedback présente le potentiel de transformer les traitements pour la santé mentale. Si vous voulez constater les bénéfices de nos dispositifs par vous-mêmes, nous serions ravis de vous proposer une démonstration.
Sources :
- Spiegel, B.M.R., Liran, O., Clark, A. et al. Feasibility of combining spatial computing and AI for mental health support in anxiety and depression. npj Digit. Med. 7, 22 (2024) ;
- Dossier de presse du ministère de la Santé et de la Prévention, Synthèse du bilan de la feuille de route, santé mentale et psychiatrie, mars 2023.